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La Montagne & Alpinisme
Dossier : A quoi sert l’alpinisme aujourd’hui ?

Extrait du forum Camptocamp to Camptocamp
Réflexion sur l’éthique de l’escalade

Contribution de Hugo Jacquin  :

Enfant d’intellectuels, élevé en région parisienne, je suis un pur produit de ce que beaucoup de contributeurs appellent la société « sécuritaire », tout risque physique et émotionnel ayant été scrupuleusement tenu à l’écart de mon enfance et adolescence.

Néanmoins, approchant de l’âge adulte, un besoin de liberté et d’aventure s’est fait ressentir, m’amenant au gré des hasards de la vie, à l’escalade sur SAE*. Rapidement sont arrivés mes premiers pas sur les parois exigeantes et « engagées » (comparées aux vois de SAE !) de la sainte victoire, la découverte de l’aspect non plus sportif uniquement, mais aussi émotionnel, et aussi contemplatif de l’escalade. La notion d’engagement s’est alors imposée comme ce qui définit pour moi le terme « escalade », et ma recherche de l’engagement m’amène aujourd’hui tout naturellement à l’escalade en terrain d’aventure.

Néanmoins je ne pratique pas encore l’alpinisme, et ce pour une simple raison: la peur. La société telle que nous la connaissons ne fait pas de nous (les jeunes générations) des flemmards, malgré les apparences, mais bien des individus rongés par la peur: peur de l’autre, peur de la nature, peur de nos propres incompétences.

La montée récente de l’escalade sportive est due au fait que c’est une pratique vers laquelle nous pousse notre besoin de liberté et d’aventure. Malheureusement, la peur empêche beaucoup de personnes de transformer l’essai, et de pratiquer la montagne. De plus, une approche intellectuelle du « risque objectif» obscurcit le discours et beaucoup de personnes se réfugient derrière la « sécurité » pour mieux dissimuler leur manque de confiance en eux.

« Ta vraie sécurité, c’est ta concentration» disait Patrick Berhault. Lorsque l’on marche au milieu d’un trottoir, a-t-on peur de faire des faux pas qui nous conduiraient au milieu de la route? Non car nous maitrisons la marche à un certain niveau, qui garantit notre sécurité, tant que le trottoir a une certaine largeur! L’escalade en solo par exemple, consiste à réduire la taille du trottoir à l’extrême, jusqu’à celle d’une prise. Lâcher une prise qui correspond à son niveau technique et mental en escalade est tout aussi peu imaginable que faire trois faux pas et se jeter au milieu d’une route. Ce que l’on appelle «risque» dépend avant tout de son propre niveau technique.

La clé, si les acteurs de la montagne d’aujourd’hui veulent attirer plus de monde vers l’alpinisme, passe dans la compréhension de cette peur que nous (les jeunes générations) ressentons sans jamais nous l’avouer (voire parfois en affirmant le contraire violemment !). Malgré ma prise de conscience de cette peur, je ne progresse que très lentement vers plus de liberté, plus de confiance en moi. On me verra très certainement dans quelques années sur les parois des Alpes, mais pour moi, cela aura été le fruit de dix ans de déconstruction de blocages mentaux, qui pour la plupart sont tabous dans la la plupart des « milieu socio culturel ».

* : structure artificielle d’escalade