Les fêtes de fin d’année approchent à grand pas
Une idée « cadeau »
Le SERAC
et
Bernard MARNETTE vous proposent :
PETIT LEXIQUE TOPONYMIQUE DES ROCHERS ET
DES VOIES D’ESCALADE EN WALLONIE
HISTOIRES ET ANECDOTES
Un livre sur les noms de voies et des rochers d’escalade
Bernard Marnette
Ecrire un livre sur les noms des voies et des rochers d’escalade est une chose insolite, originale et fatigante.
Ce lexique sur les rochers et les voies d’escalade de Wallonie, qui paraît avec l’aide de l’asbl SERAC, a en effet été un long travail de plus de 9 ans.
L’idée de ce livre, qui s’articule sur plusieurs axes, repose sur différentes réflexions.
Tout d’abord, les grimpeurs qui ont été de tous temps libertaires se trouvent aujourd’hui confrontés à une société faite de règles, d’interdits, d’assurances, de contre-assurances qui transforment le monde de l’escalade en un produit comme les autres. Cette évolution touche de plein fouet l’organisation des clubs d’escalade et de montagne et entrave le grimpeur dans son acte de « liberté ».
Une autre remarque attenante est ce curieux paradoxe qui cultive le conflit entre le monde de l’escalade et le monde de l’écologie, oubliant probablement une chose essentielle de nos racines. Le monde de la grimpe (l’alpinisme comme l’escalade) est issu de la mouvance romantique : l’exaltation de sentiments, notamment vis-à-vis de la belle et grande nature.
Comment dès lors être en conflit avec le milieu naturel quand il est notre propre territoire ?
Ces deux remarques préliminaires pourraient être argumentées par bien d’autres encore, mais elles seules suffisent pourtant à soulever une question importante quant à la communication, pour ne pas dire à l’expression du monde des grimpeurs.
Nous avons certainement de nombreux atouts pour faire respecter notre activité et notre goût de la liberté, mais encore faudrait-il les faire valoir.
Ce livre sur la toponymie au service des grimpeurs peut être une façon de revendiquer notre action.
Présenté comme un abécédaire il se veut donc un « dictionnaire » d’un certain langage du monde de la grimpe. Mieux, il définit des toponymes (des noms de voies) qui marquent notre territoire.
Il présente également l’étymologie de nombreux noms de rochers qui, sans la pratique de l’escalade, seraient tombés dans l’oubli, sans ignorer que les grimpeurs eux-mêmes ont donné noms à des rochers importants de nos Ardennes. Noms parfois passés dans le domaine courant (« Rocher du Pape » ou le « Rocher des Autours » sont bien connus des archéologues).
Si ce livre a, de par sa structure et son propos, un aspect militant, il se veut surtout un livre de petites « histoires et anecdotes » que ne peuvent bien comprendre que les praticiens des falaises.
Connaître l’étymologie du nom de la voie que l’on gravit, celle du rocher auquel on se présente, peut donner une couleur particulière à l’escalade.
N’est-il pas plus intéressant de dire : « je vais grimper Le petit Navet » (sous entendu « je vais grimper sur les traces de Pierre de Radzitzky dit Radis ») plutôt que : « je vais faire cette dalle là ».
Plutôt que de dire « je vais grimper dans la voie équipée de broches vertes » « je fais l’Avenue Chlorophylle » (sous entendu que le grimpeur qui a ouvert la voie y a rencontré de nombreuses plantes vertes).
Plutôt que « je gravis la voie 109 du topo », « je grimpe la Fiesta del biceps » (une voie certes difficile mais curieusement reposante pour les bras).
Au lieu de dire « fait la 6a, elle est chouette », ne vaut-il pas mieux dire « la Rue de la Paix (en fait la rue des pets) est une voie conseillée ».
Ainsi on apprend dans ce livre à lire l’émotion de l’ouvreur ou ce que l’itinéraire peut nous réserver. On retrouve ainsi un sens au nom de la voie que l’on grimpe.
Pour reprendre une définition du Romantisme on pourrait dire « que l’on parle au cœur et à la sensibilité plus qu’à la raison ».
Il ne faut évidemment pas oublier de grimper !
On découvrira au cours de ces pages l’origine de termes curieux comme « Le Chambiru », « les Punaises de Madagascar » par exemple.
On s’amusera des anecdotes qui ont donné « le Concerto », le « Zizi coincé », le « Samovar » ou des jeux de mots qui ont donné « la Réticente », « le Trou du Cru » ou « Marshmallow ». On apprendra ce qui se cache derrière la « P.P.M. » ou « T.W.I.T.F.U. ». On notera que « la Cuillère » à Corphalie et « la Fourchette » à Hotton ont des origines toponymiques bien différentes. On s’intéressera aux indications qui sont parfois données dans le nom même de la voie comme « D.S.E. » (pour Dalle, Surplomb, Eperon) ou « Sirocco » (une voie ou la difficulté évolue de manière exponentielle) par exemple.
On découvrira quelles personnalités se cachent derrière : la « Lionel Terray », le « Pilier Davaille », la « Lecomte », la « Traversée Serge »….
Retrouver l’étymologie du mot de ce que l’on gravit augmente le sens de l’ascension. Cela nous donne un vocabulaire. Nommer, c’est identifier.
D’autres toponymies que l’on rencontre dans ce livre concernent les rochers.
Environ 250 entrées pour 350 noms de rochers qui ont peu ou prou un lien avec « l’Histoire de l’Escalade » en Belgique.
Aller à la recherche de l’étymologie des noms de nos falaises, c’est se rappeler que d’importants noms de rocher ont été donnés, ou tout au moins préservés, par les grimpeurs.
Un terme comme « Al Légne » par exemple qui apparaît déjà en 1460 ne se trouve plus que dans les topos d’escalade. Il s’agit pourtant du plus haut des rochers belges.
Se pencher sur les noms de nos rochers, c’est immanquablement aborder des notions de la langue wallonne car tous les rochers du royaume sur lesquels on grimpe, sont en Wallonie.
La langue wallonne est cette langue parlée par tous les Wallons jusqu’à la moitié du XXe siècle avant qu’elle ne soit dépassée par la promotion du français.[1]
Il est pourtant important de se dire que si cette belle langue s’éteint progressivement (même si elle est parlée ardemment par certains), elle est incontournable pour qui s’intéresse à la toponymie du territoire wallon.
Pour nos rochers par exemple on parlera de l’Al Lègne pour le rocher du bois (biens où l’on fait les tailles), la Longariesse (est bien en wallon une longue arête), le Dry de Falmignoul (marque bien « l’arrière » de la commune de Falmignoul). Le rocher Del’Venne à Sy s’écrit bien en deux mots et pas en un, comme dans le topo du CAB de 1978, et signifie « le rocher de la Vanne » (li rotche Del’venne).
« Fidevoye » dans le Namurois signifie bien « Fou del voye » en wallon : hors de la voie. C’est donc ce que l’on appellerait en terme plus alpin « un bout du monde » (nom également d’un rocher près de Liège) ou une « reculée » dans le Jura.
On pourrait parler du « rocher de la Printanière » à Han sur Lesse dont la toponymie officielle est « rocher de la Cluse du Ry d’Ave ». Une référence « alpine » à une véritable « cluse » que réalise le petit ruisseau d’Ave à cet endroit.
Pas étonnant que le linguiste Devleeschouwer pense déceler dans certains noms de lieu, en Wallonie, la trace d’une langue qu’il nomme « alpine ».
Voici donc en quelque 650 pages, 3300 mots et 200 illustrations, ces toponymies expliquées en tenant compte, bien sur, des limites d’une enquête essentiellement basée sur des témoignages oraux de personnes parfois très âgées et du fait que l’auteur n’est pas linguiste.
En conclusion : n’est-il pas merveilleux de se dire que toutes les émotions que nous ressentons lorsque nous grimpons, toutes ces petites « pincées au cœur », ces signes particuliers que nous procurent les rochers débouchent sur l’une ou l’autre toponymie ? Les connaître et les utiliser permet de vivre les ascensions avec plus d’intensité.
Il y a certainement là un moyen d’affirmer, de revendiquer notre savoir-faire, notre culture pour ne pas dire notre territoire.
Dans un monde de plus en plus réglementé et répressif, il est temps que le milieu de l’escalade s’explique, se définisse et revendique son manque de liberté qui va croissant.
Ce livre n’est qu’une pierre dans un édifice que l’on sait fragile.
Dans les années à venir, nous n’éviterons pas un « discours ». Autant s’y préparer. Il faudra grandir !
[1] Voici à ce propos une citation et donc un avis du professeur Jean Haust de l’Université de Liège (extrait de son « Dictionnaire liégeois » de 1933)
« Le gouvernement belge, malgré les pressantes invitations qu’il a reçues à ce sujet, s’est toujours refusé à tenir compte du wallon dans le recensement décennal des langues parlées en Belgique. Les instructions administratives ordonnent aux agents recenseurs d’assimiler le wallon au français. »
Comme le disait récemment Armel Job : « Le wallon est une véritable langue (reconnue comme langue Indo-Européenne) qui n’a pas eut un destin national. » C’est pourtant toujours elle qui définit notre paysage !